Yom Hachoa: Récit

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AUSCHWITZ 21 MARS 2004

Le 21 Mars 2004, j’ai pris l’avion avec ma fille Mélody, pour Cracovie. Celui ci avait été affrété par les organisations Migdal et l’ABSI Keren Or pour un voyage d’une journée à Auschwitz-Birkenau. Décollage à 7h du matin de l’aéroport Roissy Charles De Gaulle. Atterrissage à 9h15 à Cracovie (ancienne capitale de la Pologne).

Là trois bus nous attendaient pour nous conduire au camp de Birkenau à 70km . Dans notre bus se trouvait un ancien déporté Mr Jo Wajsblat C’est lui qui nous a accompagné durant toute la journée. Pendant le voyage vers Birkenau il nous a raconté son histoire, qui est miraculeuse. Il a d ‘ailleurs écrit un livre (collection J’ai lu – Le témoin imprévu) et a participé à plusieurs émission , notamment « Ca se discute » avec Delarue en 2001. « Pourquoi suis-je revenu moi ? » cela forge un homme qui vient pour son x ème voyage de l’année, qui se dépense sans compter au service de la mémoire, qui passe d’un avion à un autre , parce que les témoins se font désormais rares (6 hommes et 4 femmes aujourd’hui se proposent de faire passer le message) et qu’il faut raconter Auschwitz . Progressivement il revient à Auschwitz. Il donne à nouveau la vie comme un défi à ceux qui voulaient qu’il n’y ait plus rien, plus de descendance, plus de peuple. A 14 ans il arrive dans le camp de Birkenau. Dés son arrivée des personnes lui disent qu’il faut absolument qu’il se fasse passer pour un gamin de 17 ans ou sinon il finirait comme les femmes et les enfants de moins de 14 ans c’est à dire au « four ». Durant son séjour, un samedi à 14h30, le docteur J. Mengele était absent, son remplaçant sélectionne 500 personnes et les dirige vers la chambre à gaz. Là il les fait déshabiller et rentrer dans le local. Jo se trouvait parmi eux, acculé à la porte. Tout d’un coup il entend du bruit à l’extérieur, la porte s’ouvre et il voit le docteur Mengele frappait le remplaçant, car celui-ci avait ordonné ce « gazage » sans son consentement . Il commence à faire sortir une cinquantaine de personne , dont Jo, puis referme la porte et fait gazé le reste des personnes. C’était un miracle qu’il a encore du mal aujourd’hui a réalisé.

11h . Nous passons devant la gare d’Auschwitz sur notre droite et le camp sur notre gauche. Nous continuons notre route pour arriver quelques minutes après au camp de Birkenau avec cette fameuse porte que nous avons si souvent vu sur des photos ou dans des films. Là commence notre périple de 3 heures à travers tout le camp (42 km2). Comme si déjà l’endroit n’était pas assez sinistre que le temps s’y mêle aussi. Nuages gris, pluie et froid. Nous étions trempés de la tête jusqu’au pied. Mais pourquoi nous plaindre après avoir entendu les récits de Jo et de notre guide, nous n’avions qu’une chose à faire – nous taire - .

A partir de 1942, Auschwitz I n’est plus assez grand pour une déportation à grande échelle et surtout pour l’extermination des juifs et des tsiganes. A quelques kilomètres, les nazis construisent Auschwitz II, ou camp de Birkenau , 20 fois plus grand que le camp principal. Le camp de Birkenau est séparé en deux parties de part et d’autre des quais d’arrivée et de sélection des convois : le camp des femmes (20.000 détenus) et le camp des hommes (120.000 détenus) , lui même divisé selon les différentes origines des détenus ( Tziganes, Hongrois, Juifs de Terezin....) A l’inverse d’Auschwitz, les baraques de Birkenau sont pour les plus vielles en pierre et les plus récentes en bois. Les prisonniers étaient entassés entre 400 et 700 par baraques. Au fond du camp, il y avait les chambres à gaz qui furent détruites par les SS peu de temps avant l’arrivée des américains...

Aujourd’hui, certains des 300 baraquements ont été détruits par les autorités polonaises ( faute d’argent pour les entretenir) mais chaque fois que l’on voit deux cheminées, cela correspond à un baraquement.

Après avoir fait le tour du camp, nous sommes arrivés vers 14h devant un monument rappelant les victimes du système nazi. Il se trouvait face à l’arrivée des voies, entre les chambres à gaz en ruine. Là trois rabbins ont lu le « El meleh Rahamim » prières pour les déportés, et ont sonné du Chofar. A ce moment les larmes ont coulé et mon corps s’est senti tout d’un coup tremblotant. Nous sommes repartis à 14h30 pour Auschwitz . Auschwitz I est une ancienne caserne de l’armée polonaise transformée en camp de 28 blocks de pierre pouvant retenir 15.000 prisonniers. Le camp est entouré de deux rangées de fils barbelés électrifiés et de miradors d’où les S.S surveillaient les prisonniers.

A la sortie des trains, personne ne se doute de ce que va être la réalité de ce "déplacement à l’est". Tout n’est qu’illusion à l’arrivée : "Arbeit macht frei" (le travail rend libre) sur la porte d’entrée, l’orchestre qui accueille les familles alors persuadées de n’être pas séparées. Le premier camp d’Auschwitz abrite aujourd’hui le musée. Des vitrines montrent des tas d’objets triés.

Nous nous arrêtons devant l’entassement des nombreuses chaussures de femmes, d’hommes et d’enfants qui nous surprennent : plus d’un million de personnes, pour moi, cela ne voulait pas dire grand chose, avant d’imaginer les personnes épuisées qui avaient porté ces chaussures.... Puis ce sont les cheveux, des tonnes et des tonnes de cheveux récupérés pour pouvoir tisser des toiles (une analyse ADN a montré que les tissus trouvés étaient faits de cheveu). Plus loin une vitrine remplie de valises avec le nom de chacun inscrit dessus. Encore plus loin d’autres vitrines contenant des chales de prières, des peignes, brosses, blaireaux etc…

Nous avons fini notre journée à Cracovie dans le quartier juif ou nous avons visité et priè dans la synagogue Remo, puis visité une autre synagogue aujourd’hui transformé en musée. Retour à l’aéroport à 20h pour arrivée à Roissy Charles de Gaulle à 22h15.

En conclusion : il faut faire le voyage à Auschwitz-Birkenau pendant qu’il y a encore des témoins pour porter le message. Que deviendront ces lieux dans quelques années ?

« Sur au moins 1 300 000 déportés à Auschwitz, environ 900 000 furent tués immédiatement après leur arrivée. Les 400 000 autres furent enregistrés comme prisonniers du camp de concentration et dotés d’un numéro d’identification. Environ 200 000 sont morts de faim, de maladie, et d’esclavage; parmi les autres, nombreux furent ceux assassinés par injection ou dans les chambres à gaz. Ainsi, au moins 1 100 000 personnes sont mortes dans le camp. 90% d’entre elles étaient juives. Le second groupe le plus nombreux [parmi les victimes] furent les Polonais, suivis par les Tziganes et les prisonniers d’autres nationalités»

Les photos que j’ai prises ne peuvent traduire l’émotion, la douleur et la colère qui submergent celui ou celle qui accepte de faire un tel voyage dans l’horreur. Ici nos familles , oui j’ai bien dit « nos » car pour moi le peuple juif ne fait qu’un et que l’on soit ashkénazes ou séfarades nous avons un devoir de mémoire envers tous nos sœurs et frères, ont souffert, ont été gazées, brûlées, leurs cendres vendus comme engrais et leurs cheveux utilisés comme textile.

Peut-on seulement imaginer que cela fut possible ? Jamais nous ne pourrons réellement imaginer ce qu’ont subi nos sœurs et frères, déportés injustement seulement parce qu’ils étaient juifs …….